Père Michel Moussiessi, message d’entrée en Carême

MESSAGE D’ENTRÉE EN CARÊME 2021
Père Michel Moussiessi, curé de Saint-Sauveur en Civraisien
« Combattre le Mal et Renouveler l’Alliance »

Chers frères et sœurs en Christ, Chers Paroissiens de Saint Sauveur en civraisien,
Aujourd’hui nous commençons la quarantaine du carême qui nous conduira jour après jour à la fête de Pâques. Et c’est un plaisir pour moi de vous adresser ce message pour soutenir la marche de chacun de nous. Comme le dit le cantique que nous chanterons dans les liturgies de ce temps, « Seigneur avec toi nous irons au désert ; poussés comme toi par l’Esprit », dans le carême nous suivons notre Seigneur Jésus-Christ au désert, soutenus par son Esprit. C’est le temps favorable de notre combat contre les forces du mal afin de renouer et renouveler notre alliance avec Dieu et entre nous.

Le désert pour le combat contre le mal

Dans l’Ancien Testament, le désert regorge de nombreux pièges. Il est habité par les démons (Lévitique 16,10) et, c’est le lieu où rôdent le Malin et les bêtes malfaisantes (Isaïe 13,21). Ce n’est pas un lieu où l’on désire se retirer, si ce n’est pour affronter ces forces mauvaises qui mettent à l’épreuve celui qui s’y risque. Cette terre désolée s’oppose à la Terre promise, comme la malédiction à la bénédiction. De même le désert écrase les voyageurs qui s’y retrouvent affamés et assoiffés. Pensons au peuple d’Israël avant qu’apparaissent les cailles et la manne. Pensons aussi à Elie en marche vers l’Horeb ( 1Rois 19, 8).
Oui, le désert ne peut pas être un but. Israël y a vécu quarante ans, comme un peuple de pèlerins, pour sortir et découvrir le pays où coulaient le lait et le miel. Et pourtant, le désert a été aussi un passage extraordinaire où Israël, sauvé de l’Égypte par la main de Dieu, a appris à connaître son Dieu, à lui faire confiance, à se remettre entièrement à lui. Il n’est pas seulement une terre de désolation, c’est aussi et surtout un lieu où s’accomplit l’histoire du salut. Car, si Dieu a voulu faire passer son peuple par cette « terre affreuse » (Deutéronome 1,19), c’est pour le faire entrer dans la Terre Promise.
Voilà l’autre face cachée du désert que les prophètes d’Israël ont chanté pour se remémorer le temps des fiançailles de Dieu avec son peuple, le temps de « ton amour de jeune mariée, lorsque tu me suivais au désert » (Jérémie 2, 2), le temps où Dieu le soulevait comme un nourrisson tout contre sa joue nouant avec lui des liens de tendresse et d’amour (Osée 11, 4).

Le désert pour renouer l’alliance.

Sur cette lancée, le désert n’apparaît plus comme un lieu hostile, il devient un lieu propice à la rencontre de Dieu. Pourquoi ? Parce qu’il ramène à l’essentiel. Le dénuement de tout, l’insécurité du lendemain, l’horizon lointain ramènent celui qui s’y lance vers lui-même. Il ne peut s’appuyer sur ses moyens habituels. Il est dépouillé à l’extrême. Et ainsi son cœur s’ouvre à l’Autre au-delà de lui-même, à cette dimension intérieure qui parfois était obnubilée par toutes sortes de bruits et toutes sortes de liens pas vraiment nécessaires. C’est ce que le peuple d’Israël a vécu. C’est ce que nous vivons en « faisant désert », en choisissant de passer au désert nous aussi.
Ramenés en nous-mêmes, nous pouvons nous sentir seuls, mais non pas abandonnés. Nous découvrons une Source d’où surgit la vie. Si l’eau fait défaut, la Parole de Dieu, parole de vie, jaillit en abondance. Notre cœur peut alors se laisser abreuver par cette source qui nous permet de renaître.

Car’aime dans le carême

Mes frères, mes sœurs dans le Christ. Comme le dit l’Apôtre Paul, le temps favorable est arrivé (2 Cor 5, 20 – 6, 2). Saisissons-le de tout notre cœur pour faire ce passage qui nous est offert dans ce temps de la Sainte Quarantaine.
Au Mercredi des Cendres, notre regard se porte en avant. La liturgie de l’Église nous invite encore à nous tourner vers l’intérieur de nous-mêmes sous le regard aimant de Dieu : « Ton père qui voit dans le secret te le rendra ». Ce mouvement vers notre intériorité fait partie de notre passage au désert. Il nous permet d’aller au fond de nous-mêmes, de faire le point, de vivre un abandon à Dieu renouvelé. C’est le sens fondamental de la parole qui nous sera adressée au moment de l’imposition des cendres : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ». Se convertir et croire à l’Evangile du Christ implique d’abandonner vraiment l’illusion d’autosuffisance, de découvrir et d’accepter notre indigence afin de nous disposer à recevoir la grâce de ce temps de grâce qu’est le carême. Aimer Dieu et aimer nos frères et sœurs.
Celui qui nous guide, en effet, c’est Dieu. Et, c’est dans nos déserts personnels et communautaires que Dieu se fait pédagogue et maître de vie. Ces déserts prennent diverses formes : insatisfactions, doutes, tristesses, maladies, solitudes, manques, jalousies, querelles inutiles et toutes sortes d’indigences. Mais comme pour Israël, c’est là que Dieu nous attend cette année, pendant ces 40 jours avant Pâques.
En recevant les Cendres sur nos têtes, nous reconnaissons que nous avons encore à parcourir une longue marche dans le désert. Le passage à travers celui-ci n’est pas terminé. Nous savons dans la foi que nous verrons la terre nouvelle et les cieux nouveaux un jour « car la cité que nous avons ici-bas n’est pas définitive : nous attendons la cité future » (He 13, 14). Nous les attendons comme Moïse qui a espéré la Terre promise toute sa vie. Osons dire en nous-mêmes, comme Saint Augustin, « Ama et quod vis fac » (Aime et fais ce que tu veux). Votre carême, notre carême, dans la prière, le partage, la pénitence deviendra « Car’aime » pour nous remettre dans l’alliance avec Dieu notre Père et avec nos frères et sœurs en humanité.

Bon car’aime dans ce carême. Que l’Esprit de Dieu nous conduise tous, les uns les autres.

Père Michel MOUSSIESSI